Par Stéphane Jézéquel (Arvalis) et Mathieu Marguerie (Agribio 04)
Les conditions climatiques très pluvieuses de ces dernières semaines obligent à revoir les stratégies de semis de céréales.
Le changement climatique rend les choses imprévisibles, mais néanmoins les longues périodes très froides (moins de – 7 -8°C) pénalisantes sont de moins en moins fréquentes, donc les semis tardifs moyennant un peu de soins sont davantage envisageables qu’il y a quinze ans en arrière y compris dans les Alpes. Pour garder un potentiel de rendement correct (20 quintaux en blé dur, 25-30 en orge ou blé tendre) il faut semer de préférence avant Noël sur les sols séchants : il faut saisir vite les prochains créneaux !, … et c’est possible jusqu’à fin janvier voire en février en sols profonds ou irrigués.
Plus le semis est tardif, plus son rendement dépend des pluies de printemps : satisfaisant si l’année est pluvieuse, décevant si elle est sèche. La faute au décalage de l’enracinement. S’il fait sec en janvier et février, cas fréquent en climat méditerranéen : les semis d’octobre et novembre ont déjà accès aux réserves en eau profondes (40 à 80 cm de profondeur) ; ils sont peu sensibles à la sécheresse à cette époque. Les semis de décembre et janvier par contre n’ont des racines qu’en surface (20 à 30 cm de sol), zone du sol sensible à l’évaporation par le vent. Ces semis tardifs sont donc particulièrement sensibles à la sécheresse en janvier-février-mars, et particulièrement réactifs à une irrigation, même modeste (20 mm) mi à fin mars si la sécheresse est installée.
A ce stade, il faut évidemment semer ce que l’on a commandé en semences. Le blé tendre, moins sensible à la sécheresse en montaison et aux maladies permettra sans doute de sécuriser d’avantage les rendements en cas de printemps difficiles. Attention tout de même, si vous semez un blé tendre il faudra choisir une variété adaptée dite « alternative « c’est-à-dire capable d’épier sans avoir une longue période de températures froides (ce qui est le cas pour les blés durs).
1) Pas d’obstacle aux racines dans les 20 premiers centimètres du sol. La surface du sol sèche vite. Au plus tôt les racines atteignent 20 cm, mieux c’est ; au-dessous, il y a de l’eau. Donc éviter au maximum les tassements lors de la dernière préparation et au semis. Ne cherchez pas à faire une préparation trop fine si cela fait perdre du temps pour le semis, mieux vaut semer dès qu’on peut et que la céréale trouve l’eau au fur et à mesure que les racines descendront
2) De l’azote : Apporter de l’azote pour sécuriser le développement du blé. Deux stratégies sont possibles : apporter la totalité de l’engrais (50 unités en moyenne) précocement ; apporter l’engrais en deux fois (20-30 unités après le semis + un complément dès que le climat le permet en février, ou début mars au gré des pluies).
3) Une dose de semis suffisante : le tallage sera réduit ou inexistant, il faut donc viser « un grain un épi » et se rapprocher de 150 (orge) à 200 kg/ha de semence (blé dur gros grain)
4) Soigner le désherbage : il y aura normalement peu de ray-grass, mais s’il y a de la folle avoine, des vivaces…, il faut les détruire : un blé tardif est clair et sensible à la concurrence. En bio, les premiers créneaux de passage de la herse étrille seront primordiaux. Si vous êtes équipez pour le binage du blé, ce sera un plus.
Dans ces conditions, un semis tardif a un potentiel de rendement réduit mais encore satisfaisant, notamment en sol profond (ou irrigué)
Sur les terres avec irrigation, le semis de cultures de printemps peut être envisagé. Ceci étant dit, l’arrosage peut aussi être prévu pour préserver le potentiel de rendement des céréales d’hiver. Sans irrigation et dans le cas d’un abandon de semis de céréales d’hiver, il n’y a guère que le pois chiche qui pourra être semé à partir de mi-février (attention aux semis trop précoces souvent très enherbés).