Restauration hors domicile
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Témoignage : Thierry Lebigre, responsable de la restauration du Centre Hospitalier d’Embrun (05)
« Pour introduire du bio, il faut avancer progressivement et être accompagné dans la démarche »
Thierry Lebigre, responsable de la restauration du Centre Hospitalier d’Embrun dans les Hautes-Alpes, en poste depuis 1981, vient de commencer l’introduction de produits biologiques dans les repas hospitaliers après une expérience réussie en scolaire.
Comment est organisée la restauration ?La cuisine centrale du Centre Hospitalier d’Embrun, propriété de l’établissement, produit 700 à 800 repas quotidiens en liaison froide. Ils sont destinés aux patients de l’hôpital (120 lits) et à deux maisons de retraite pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), de respectivement 84 et 64 places situésdans la commune. Mais aussi, à du portage à domicile auprès de plusieurs communes (Embrun, Châteauroux-les-Alpes, Les Crots, Saint-André d’Embrun, Savines-le-Lac), à six restaurants scolaires, un centre de loisirs, un foyer et la caserne des pompiers le samedi. La cuisine centrale dispose d’une capacité de production de 1500 repas quotidiens, tout nouveau client est donc le bienvenu.
Quand avez-vous commencé à introduire des produits biologiques ?
En 2005, nous avons mis en place un premier repas bio complet avec l’association Génépi mais cela n’a pas vraiment été un succès auprès des convives du scolaire. L’année suivante, nous avons introduit deux produits biologiques, le pain grâce au travail d’un boulanger local situé à Baratier, et les fruits que j’obtiens en direct. Aujourd’hui, en 2017, nous avons un produit bio par repas en restauration scolaire, soit quatre produits par semaine. Nous proposons des céréales, du petit épeautre, du riz de Camargue. Au départ, j’étais davantage convaincu par le local que par le bio. Mais aujourd’hui, j’y crois de plus en plus. C’est une façon d’apporter une alimentation de qualité aussi bien aux enfants en restauration scolaire qu’aux personnes âgées en une maison de retraite ou aux patients à l’hôpital. En revanche, pour que cela fonctionne, il est essentiel d’être accompagné dans la démarche, de mettre en place des animations pédagogiques pour sensibiliser les différents publics, et surtout, d’avancer progressivement.
Proposer du bio à l’hôpital est plutôt rare en France, comment allez-vous faire ?
Depuis trois ans, nous travaillons avec Échanges Paysans, une plateforme de circuits courts agricoles basés à Gap qui regroupe 40 producteurs dont une forte majorité travaille en agriculture biologique. Pour la cuisine centrale, c’est un point positif incontestable car cela permet d’avoir un seul interlocuteur. C’est un gain de temps précieux en termes de logistique et de prise de commandes. Par ailleurs, en septembre 2016, nous avons lors de la Foire Bio Génépi en partenariat avec Agribio 05 et Échanges Paysans, servi 500 repas bio et locaux dont 300 repas aux convives de l’hôpital d’Embrun et 60 aux convives invités dont les élus, les cuisiniers, les producteurs bio, les acteurs du département… et Vandana Shiva, venue faire une conférence. Cela a eu un effet très positif, et la nouvelle direction de l’hôpital nous soutient dans la mise en place d’une restauration de qualité. Bien sûr, si le coût matière rentre dans le budget…
Justement, quels sont les leviers que vous pouvez actionner ?Nous allons introduire les mêmes produits que pour la restauration scolaire, à savoir, les fruits, les céréales, la salade… Ce qui manque à mon sens, ce sont des ateliers de transformation afin d’avoir des produits de 4ème gamme, mieux adaptés au travail en cuisine centrale. Nous avons une légumerie, mais nous ne pouvons pas tout préparer à partir de produits bruts. C’est une question de temps, de personnel et donc de moyens financiers. Aujourd’hui, ce sont les communes qui prennent en charge l’écart de prix entre un produit biologique et un produit conventionnel si nous privilégions les produits locaux. Dans un premier temps, nous avons planché sur l’ajustement des portions servies afin de limiter le gaspillage. C’est un gros travail et nous pouvons encore progresser !
Propos recueillis par Isabel Soubelet - www.repasbio.org
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Témoignage : Brigitte Pavaut, CROUS Aix-Marseille
« Nous avons fait le choix d’améliorer la qualité de la restauration de manière visible en proposant des produits biologiques simples »
Brigitte Pavaut, diététicienne conseil auprès du service de restauration du Crous Aix-Marseille qui assure la prestation de douze restaurants universitaires.
On évoque souvent l’introduction de produits biologiques en restauration scolaire, très rarement en restauration universitaire. Comment avez-vous procédé ?Nous avons commencé à introduire des produits biologiques en 2005 dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Nous avons débuté par des buffets découvertes au cours desquels je faisais venir des acteurs et des fournisseurs de produits biologiques. C’est une bonne entrée en matière avec le sujet, une façon de se familiariser avec les produits et de les goûter bien sûr ! Puis nous sommes passés aux Jeudis Bio dans un, puis deux, puis trois restaurants universitaires (RU). En 2008, suite à des formations réalisées par Un plus bio, tous les RU avaient leur Jeudi Bio ! Et ultime étape, en décembre 2011, nous avions du bio tous les jours. Avec au menu, du pain bio demi-complet au levain naturel en tranches, deux crudités bio de saison et locales, un fruit bio de saison et local, des yaourts bio nature sans sucre, et une table d’assaisonnements avec du sucre complet bio, du gomasio*, de la levure maltée, du vinaigre balsamique, de l’huile d’olive et de colza.
Cette démarche est-elle bien passée auprès de votre public d’étudiants ?
Quand nous avons mis le « tout bio », cela n’a pas fonctionné. Les étudiants sont de jeunes adultes, ils souhaitent avoir le choix et acceptent mal qu’on leur impose les choses. Ils ont aussi des habitudes alimentaires et aiment retrouver certains aliments. Ma priorité était vraiment d’axer sur des produits bio simples et de qualité, bons pour la santé comme les carottes, les betteraves, les choux et tous les légumes racines qui sont très perméables aux pesticides. Et aussi des fruits avec des kiwis, des pommes et des clémentines de Corse mais pas des frites bio ni de la mousse au chocolat bio ! Il est important d’avancer dans la démarche par étape. J’ai eu la chance de pouvoir réaliser sept à huit animations (pain, crudités, produits laitiers…) par RU pendant dix ans. Cela permet de découvrir, de faire goûter et d’impliquer lesétudiants qui sont plutôt curieux et ouverts. Et j’ai toujours été soutenu par la direction de la restauration pour mettre en place de nouvelles initiatives.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?En 2005, c’était une démarche nouvelle et nous étions assez précurseurs. Ce n’était donc pas simple à mettre en place. La grande difficulté est de devoir gérer le renouvellement des marchés publics. Il faut donc trouver des personnes capables de répondre aux critères, c’est-à-dire en capacité de produire et de livrer, dans notre cas 12 000 repas quotidiens. Par exemple, pour le pain qui dispose d’un marché dédié, j’ai beaucoup démarché moi-même pour trouver du pain bio de qualité. Le pain bio demi- complet en farine T 80 passe mal chez les étudiants. Sur les différents RU, il y avait beaucoup de gaspillage. Aujourd’hui nous avons à Marseille du pain bio en farine T 65 sous forme de petits pains, et des petits pains locaux non bio, à Aix-en-Provence et Avignon. Je le regrette car cela est moins intéressant sur le plan nutritionnel.
Vous pointez la question du gaspillage alimentaire, avez-vous mené des actions spécifiques dans ce domaine ?
Oui tout à fait. Nous avons fait très attention aux grammages servis et à la formation du personnel. Ces derniers ont été sensibilisés à une réduction des grammages en viande à associer à un apport supplémentaire de légumes secs. Il faut apprendre à être à l’écoute de la demande de l’étudiant, certains mangent plus que d’autres. C’est important de pouvoir le prendre en compte afin de réduire le gaspillage alimentaire.
Quels conseils donneriez-vous avant de se lancer dans le bio ?
Il faut beaucoup de persévérance et d’écoute. J’ai toujours travaillé en lien avec les équipes de cuisine en dialoguant, en échangeant, en montrant, en impliquant. Les étudiants, c’est la même chose. Ils apprennent à composer eux-mêmes un menu équilibré, de manière autonome.
Propos recueillis par Isabel Soubelet - www.repasbio.org