Afin de participer au développement de la filière chanvre, Agribio 04, Terres Inovia et le Parc du Luberon ont mené des essais visant à déterminer les bonnes conditions de réussite du chanvre en conditions méditerranéennes.
Sur le papier, tout se valorise dans le chanvre : la tige (composée de fibre et de chènevotte) pour l’isolation des bâtiments, la fabrication des tableaux de bord légers dans les voitures (secteur des matériaux composites), la papèterie spécialisée, le textile, la litière pour animaux ou encore le paillage végétal. La graine sert à produire une huile riche en oméga 3, mais également des appâts pour la pêche ou bien pour l’oisellerie. En plus de ça, cette plante, a l’avantage, de par son potentiel important de production de biomasse d’avoir une bonne capacité à étouffer les adventices. Elle ne nécessite aucun traitement phytosanitaire pendant tout son cycle. Connaissant tous ces atouts, des producteurs du Luberon, accompagnés par le Parc du même nom, ont mis en place cette culture depuis maintenant plusieurs années. Ils se sont donc très rapidement confrontés à la difficulté de valoriser un produit dont l’essentiel des débouchés obligent à défibrer la tige, c’est-à-dire séparer la chènevotte (partie interne rigide) à de la fibre libérienne (partie externe plus souple). L’air de rien, cette opération est très souvent complexe, fastidieuse et difficilement réalisable à la ferme pour satisfaire des volumes importants volumes importants, comme ceux de la société Valtech, fabicant de panneaux isolants basée à Veynes (05). Pour satisfaire cette demande, un projet d’unité industrielle de défibrage de chanvre est en réflexion, nécessitant pour atteindre son seuil de rentabilité, la mise en culture d’environ 300ha, bien loin des 19000 ha que compte la filière blé dur en PACA. Pour des agriculteurs, bio en particulier, à la recherche de cultures de printemps intéressantes agronomiquement et économiquement, le chanvre peut être une culture envisageable. Afin de sécuriser le développement potentiel de la filière, Agribio 04, en collaboration étroite avec Terres inovia et le Parc du Luberon, a piloté des essais d’optimisation de cette culture chez Eric Jean agriculteur à Pierrerue.
L’objectif principal de l’essai était d’identifier les bonnes conditions de cultures en conditions méditerranéennes pour produire une biomasse suffisante en paille et permettre aux agriculteurs d’y trouver un intérêt économique. Pour cela trois variétés à floraison plus ou moins précoces ont été implantées dans des terres profondes : Uso 31 (très précoce), Fedora 17) et Futura 75 (très tardive). Chacune de ces variétés a été mise, par semis en bande, dans des conditions d’irrigation ou non et de fertilisation spécifiques ou non.
Figure 1 : plan des essais
En premier lieu, les résultats montrent l’importance du choix de la variété selon que l’on vise un rendement graine ou un rendement paille. Plus la variété est précoce (cycle court), plus elle stoppera rapidement sa croissance et limitera ainsi sa production de paille pour entamer la constitution de son rendement grains. L’irrigation apparaît être un autre levier particulièrement important pour sécuriser la levée dans le cas de printemps très secs comme celui de 2016, et favoriser la production de biomasse en paille. En particulier, le bon positionnement de l’arrosage par rapport au cycle de la culture est primordial : arroser avant ou jusqu’à mi floraison favorisera le rendement paille ; arroser après, aura un impact positif sur le rendement graines. Dans le cadre de l’essai de 2016, les gains de rendement paille dus à l’irrigation sont conséquents : jusqu’à 2 tonnes de matière sèche sur les variétés les plus tardives du fait du bon positionnement des irrigations (figure 2). Attention, cependant à la hauteur des tiges qui peuvent rendre difficile la récolte de la graine et de la paille (cf photo 1).
Figure 2 : Gains de rendement biologique en paille dus à l’irrigation. Le rendement biologique est la totalité de la biomasse récoltée manuellement sur des microplacettes représentatives de la parcelle. Pour estimer le rendement machine et prendre en compte les pertes dues à la récolte, il convient de diminuer le rendement biologique d’au moins 30%. Attention, la paille ne se récolte qu’avec des outils à section.
Photo 1 : essais (à droite F75, à gauche F17) le 31/08
Si les rendements en paille ont été bons, notamment pour les variétés F17 et F75 ayant été irriguées, , ils sont généralement insuffisants pour assurer une rentabilité économique intéressante pour les agriculteurs, comparativement à leurs cultures usuelles. La valorisation de la graine, notamment en agriculture biologique, apparaît déterminante pour le développement de cette culture (figure 3).
Ces résultats encourageants méritent donc d’être confirmés et tendent à orienter les exploitations disposant de sols et d’irrigation vers cette culture dans le cas de filières longues. Pour cela, une sécurisation des débouchés pailles et graines est en train d’être travaillée, avec notamment les coopératives céréalières.
Figure 3 : Marges comparées selon les parties du chanvre récoltées. Prix de vente de la paille : 150€/T. Prix de vente de la graine en bio : 1400€/T. Pour les calculs économiques les rendements ont été diminués de 30% par rapport aux rendements biologiques et un DPU moyen de 240€/ha a été appliqué, ajouté de la prime découplée chanvre de 140€/ha.
Consulter les résultats complets de l’étude
Rédaction : Mathieu Marguerie, Agribio 04
Relecture : Louis Marie Allard, Terres Inovia
Philippe Chiffolleau, PNR Luberon