Par Mathieu Marguerie
Les prix actuels du blé dur bio, très attractifs, représentent une opportunité pour les filières régionales. Retour sur les essais et résultats économiques de l’année.
Pour la deuxième année consécutive, Agribio 04 et Arvalis ont mis en place des plateformes d’essais variétaux de blés durs et tendres, dans le cadre du projet « BIODUR PACA », financé par la région Sud-PACA et l’Union Européenne (fonds FEADER). Ce projet, piloté par Agribio 04 regroupe l’ensemble des acteurs impliqués dans le développement régional de la filière blé dur bio . L’objectif est de répondre techniquement à la forte demande en blé dur bio d’origine Provence et de relever les défis techniques qui y sont associés : variétés adaptées, techniques de désherbage et de nutrition azotée, rentabilité.
Une fois de plus, le climat de la saison 2019-2020 a été très surprenant. Deux essais ont été semés dans le cadre du projet : un le 29 octobre à Dauphin (chez Hugues Masucco) et un autre le 10 janvier à Gréoux-les-Bains, afin de se placer dans des conditions représentatives de la météo de l’année. Les importantes pluies automnales ont en effet fortement compliqué les semis, quand ils n’ont pas été retardés à janvier ou février. L’absence de pluie entre janvier et avril laissait craindre un impact important sur le rendement, du fait d’un stress hydrique accru en mars sur des blés généralement peu enracinés. Les températures exceptionnellement douces par rapport aux moyennes de saison ont provoqué une avance d’environ deux à trois semaines dans le développement des blés, qui ont pu remplir leurs grains aisément en mai et juin. La fin de cycle a en effet été arrosée et épargnée par les températures habituellement échaudantes à cette période. Au final, sur les deux essais, les rendements ont donc été satisfaisants.
Côté azote, l’essai de Dauphin a été placé derrière luzerne et fertilisé à hauteur de 50 unités sous forme organique. Celui de Gréoux, derrière friche, a reçu 70 unités d’azote. Avec 34.9 quintaux/ha de moyenne et 11.9% de protéines pour l’essai de Dauphin et 29 qtx/ha pour 11.5% de protéines pour celui de Gréoux, la relation rendement/protéines est largement à l’avantage de Dauphin, confirmant l’intérêt d’un précédent luzerne en bio (Figure 1). Il est intéressant d’observer que malgré le « décalage » de la régression rendement-protéines entre les deux essais, le positionnement des variétés y est similaire, avec :
– Des variétés productives mais décevantes en termes de qualité : Anvergur, Voilur, Casteldoux, Toscadou (variétés situées en bas à droite des courbes de régression linéaire).
– De l’autre côté, on trouve des variétés au rendement limité mais au taux de protéines sauvegardé : Surmesur, Nadif (variété italienne), Atoudur, Platone et quelques génétiques en développement de l’INRA et d’Agri-Obtentions (101, 102, 103 successeurs de la 1823, elle aussi bien positionnée sur l’essai de Gréoux).
Figure 1 : relation rendement protéines sur les essais de Dauphin (en bleu) et de Gréoux (en rouge).
En bio, en raison des conditions limitantes de nutrition azotée (malgré la luzerne et la fertilisation), il est indispensable de choisir des variétés adaptées à son milieu : des variétés au potentiel de rendement limité (épis moyennement fertiles et gros grains) en terrain profond ou avec une irrigation possible (Surmesur, Nadif, Atoudur) mais satisfaisant en termes de qualité ; des variétés un peu plus productives en terrain séchant ou superficiel (Anvergur, RGT Voilur). Par ailleurs, l’usage de semences certifiées est un gage de sécurité pour maîtriser la qualité sanitaire de la récolte.
Au-delà du choix variétal, le pilotage de l’azote est un élément central de la réussite de la culture. Pour cela, placer le blé dur derrière sainfoin ou une luzerne est une sécurité mais ne dispense pas d’une fertilisation azotée de complément d’à minima 50 unités d’azote (à raisonner en fonction du climat). En effet, les dynamiques de restitution d’azote de la luzerne après retournement restent très dépendantes du climat et pas nécessairement en concordance avec les besoins du blé. Pour progresser sur ces questions, des essais de différents engrais organiques sont prévus dans le projet qui a également pour ambition de mettre au point des modèles de pilotage de l’azote pour les agriculteurs. Des techniques innovantes avec des couverts végétaux détruits mécaniquement ou par tonte dans des rangs de blé semés au RTK sont également à l’étude.
En termes de rentabilité, les prix actuels de rémunération du blé dur (500-550€/tonne) et du blé tendre (400-450€/tonne) en bio, très attractifs, permettent d’assurer la bonne rentabilité des deux cultures. Le différentiel de prix entre les deux cultures permet même d’envisager une rentabilité accrue du blé dur bio par rapport au blé tendre, dans le cas d’un précédent luzerne ou sainfoin (Tableau 1), moyennant un choix optimal de variétés. En deuxième paille, la réussite technique du blé dur bio est trop aléatoire pour en espérer une rentabilité satisfaisante. La luzerne -ou le sainfoin- quant à eux peuvent être valorisés en fourrage, mais aussi en porte graines pour la production de semences auprès de vos coopératives et organismes stockeurs.
Tableau 1 : rentabilité comparée blé dur/blé tendre derrière luzerne. Sur la base des prix actuels achetés aux agriculteurs et des itinéraires techniques d’implantation mis en place sur la plateforme d’essais en 2020. Les rendements sont 80% des rendements mesurés sur les plateformes d’essais en 2020 sur les variétés répondant aux critères des filières. Itinéraire technique : labour, virbroculteur, semis avec de la semence certifiée, herse étrille, épandage de 50 unités d’azote et récolte. Calculs sur la base des références BCMA (matériel neuf).
Protéines >12.5% |
---|
PS>76% |
Mitadin <30-40% |
Le projet « BIODUR-PACA » propose aux agriculteurs volontaires un suivi tout au long de l’année de leurs parcelles de blé dur bio par des techniciens d’Agribio 04 ou des Chambre d’Agriculture en coopération avec les coopératives et organismes stockeurs de la région. Ces parcelles seront suivies par des observations fréquentes sur le terrain, aidés de modèles de croissance du blé réactualisés chaque jour en fonction du climat pour aider au diagnostic et au pilotage de la culture (fertilisation et/ou irrigation). Pour faire partie du dispositif de suivi : contacter votre coopérative ou Mathieu Marguerie : mathieu.marguerie@bio-provence.org /04.92.72.53.95 |
---|