Le réseau des agriculteurs et agricultrices Bio
de Provence-Alpes-Côte d'Azur

Variétés et rotations : une combinaison de leviers pour réussir du blé dur en bio

Dans un contexte de prix attractifs, aux alentours de 550€ par tonne, le blé dur bio attire de nouveaux producteurs. Néanmoins, sa réussite technique nécessite d’être vigilant à la qualité de l’itinéraire technique, en particulier sur le choix variétal et les rotations.

Dans le cadre du programme BIODUR-PACA, financé par la Région Sud-PACA et l’Union Européenne, de nombreux essais ont été mis en place lors de la campagne 2020-2021 par Arvalis, Agribio 04, les Chambres d’Agriculture et les lycées agricoles de Gardanne et de la Ricarde. Ils visaient à acquérir des références permettant de lever un certain nombre de freins techniques quant à la réussite de la culture du blé dur en système biologique : assurer la qualité demandée par la filière (plus de 12.5% de protéines et moins de 30% de mitadin) et la rentabilité économique pour les producteurs (sécurisation du rendement). A cet effet, le producteur dispose de nombreux leviers sur lesquels agir : gestion de la rotation, choix de la variété, fertilisation organique, désherbage mécanique…

La rotation, clé de la réussite

Ce n’est pas une nouveauté en bio : la gestion de la rotation est l’une des clés principales pour sécuriser la réussite des cultures, tant sur les aspects de la gestion des adventices que de la nutrition en azote des cultures. Un réseau de 11 parcelles de blé dur a été suivi en 2021 chez différents agriculteurs biologiques de la région allant du plateau de Valensole à la Camargue en passant par Avignon et la vallée de la Durance. Pour chaque parcelle, le rendement réalisé a été comparé à un rendement potentiel climatique, estimé avec le modèle Garric © et représentant le rendement qui aurait été réalisé dans les conditions propres à chaque parcelle (profondeur de sol, climat, variété utilisée) sans autre facteur limitant que l’accès à l’eau. Autrement dit, ce rendement potentiel est réalisé quand la plante dispose de l’eau nécessaire à son développement et qu’aucun autre élément extérieur ne vient atteindre sa croissance, comme par exemple les maladies, les ravageurs, la nutrition azotée Evidemment, cela ne se passe que rarement aussi bien, notamment en bio où les facteurs limitants, à commencer par l’azote, sont nombreux. L’analyse de ce réseau de parcelle (figure 1) montre que les performances régionales ont été très disparates selon les exploitations. La sécurisation du rendement reste fortement corrélée à la nutrition azotée, matérialisée sur le graphique par l’INN pour Indice de Nutrition Azotée à floraison. On constate d’ailleurs que les bons rendements sont systématiquement obtenus lorsque le précédent est une légumineuse annuelle ou fourragère, alors que derrière tournesol et céréales à pailles le rendement diminue considérablement l’azote disponible, même si les blés sont fertilisés par la suite. Plus les points sont en dessous de la courbe bleue, plus un autre facteur limitant que l’azote est à incriminer pour la pénalisation du rendement. La plupart du temps ce facteur est les adventices. Dans le cas des fourragères, la faible pression en adventice et la qualité de leur destruction conditionnent en grande partie leur propension à soutenir le blé dur qui leur succède. Il en est de même pour les légumineuses à graines dont la maîtrise du salissement et un haut niveau de rendement sont des variables clés pour un blé dur productif par la suite. En termes de rentabilité économique, de telles conditions sécurisent la production de blé dur biologique, pour le rendre même plus rentable qu’un blé tendre dans l’état actuel des niveaux de rémunération.

Figure 1 : pourcentage atteint du rendement potentiel climatique en fonction de la nutrition azotée. Suivi de parcelles chez des agriculteurs en blé dur bio en PACA, récolte 2021. Vert foncé : précédent luzerne ; vert clair : précédent légumineuses graines, orange : précédent céréale ou tournesol.

L’importance du choix variétal

Un autre des leviers principaux en bio reste bien entendu le choix de variétés adaptées pour trouver le bon compromis entre le rendement et la qualité, protéines et mitadins principalement. En système biologique, en raison des conditions limitantes de nutrition azotée (malgré les rotations et la fertilisation), il est indispensable de choisir des variétés adaptées à son milieu : des variétés au potentiel de rendement limité comme Surmesur, Atoudur ou encore Platone qui ont des épis moyennement fertiles et font des gros grains sont à privilégier en terrain profond ou avec une irrigation possible. Ce sont des variétés qui sont satisfaisantes en termes de qualité. En terrain séchant ou superficiel, privilégier des variétés un peu plus productives comme Casteldoux ou RGT Voilur, mais conservant tout de même un taux de protéines satisfaisant. Les variétés codées sont en cours de recherche (pas encore dans un processus d’inscription) mais montrent de beau progrès, notamment BD_103 qui conserve du potentiel malgré son fort taux de protéines. Par ailleurs, l’usage de semences certifiées est un gage de sécurité pour maîtriser la qualité sanitaire de la récolte.

Figure 2 : relation rendement protéines sur cinq essais (2019-2021) de blé dur bio en PACA.

Fertilisation azotée : une efficacité à préciser.

Si la nature du précédent reste l’élément majeur pour sécuriser la nutrition azotée du blé dur bio, la fertilisation organique en cours de culture représente potentiellement une sécurité supplémentaire, notamment en situation de forte carence azotée. L’efficacité des engrais organiques actuellement utilisables en système biologique est néanmoins fortement dépendante des conditions climatiques et décevante en cas de faible pluviométrie en sortie d’hiver. Les produits à minéralisation rapide (vinasses, fientes) sont à privilégier pour pouvoir observer un effet économiquement positif. Pour progresser sur les stratégies de fertilisation des céréales bio en climat méditerranéen, des essais sont actuellement en cours par Arvalis.

[/Mathieu Marguerie & Pauline David, Arvalis
Gwladys Fontanieu, Agribio 04/]